Le trigger warning de Schrödinger

Des avertissements, du suspense, des envies hollywoodiennes.

Transfert
5 min ⋅ 15/05/2025

L’édito (de Benjamin)

Ils n’étaient pas répandus quand Transfert a commencé. Et puis ils ont été réclamés. Attendus. Demandés. Les trigger warnings. Parce que les témoignages sont parfois difficiles à entendre. Parce que les sujets abordés peuvent être durs. Parce que les gens qui nous confient leurs histoires ont traversé des épreuves. Parce que Transfert parle de la vie, de ses accidents, de ses joies comme de ses malheurs. Parce que parfois tout s’interrompt. Quand on va se confronter au récit de quelqu’un d’autre, quand on va l’accueillir au creux de notre oreille, c’est très intime, ça rentre dans les chairs. Alors oui, on se l’est dit : c’est légitime d’être prévenu. D’être alerté de sujets qui pourraient réveiller chez nous des traumatismes. On a donc décidé d’ajouter des trigger warnings aux introductions de début d’épisode. Les auditeurs et auditrices en ayant besoin seraient désormais alerté·es.

Instantanément, nous nous sommes retrouvés confrontés à un autre problème : les trigger warnings sont de facto des spoilers (et cette phrase contient beaucoup trop d’anglicismes). C’est l’un des plaisirs d’écouter Transfert : on ne sait pas où l’histoire va nous mener. Mieux, on pense parfois qu’elle part dans une direction, puis une autre, puis une autre. Chaque respiration dans le récit est une surprise, un choc, un cliffhanger (hop, un anglicisme de plus). Que va-t-il se passer ? Que va-t-il arriver à Alexandra, Barbara, Youssef, Lukman, Juliette, Manuel ? Un trigger warning trop marqué retire ce plaisir de la surprise, inhérent à l’expérience de Transfert. Ce n’était pas satisfaisant. Ni pour vous, ni pour nous. 

On a donc opté pour la forme actuelle des trigger warnings « à la Transfert » : une alerte en deux parties. La première, sous la forme audio, qui annonce qu’il existe des trigger warnings et où les trouver… mais sans dire lesquels. Et la deuxième, inscrite dans la description de l’épisode, et dévoile la nature du trigger warning. Comme ça, tout le monde est content, non ? Les personnes qui ont besoin d’être prévenues et celles qui ont envie d’être surprises. Le trigger warning de Schrödinger, qui n’existe que si on le regarde.

Eh bien, non. Non, tout le monde n’est pas content. Avant tout par notre faute : nous sommes humains. Alors parfois, on se trompe. On oublie de préciser la nature du trigger warning. On ne met pas la bonne. On se trompe parce qu’on pense qu’il n’en faut pas… alors qu’il en faudrait un. Parce que pour nous un décès naturel fait partie de la vie et qu’on ne met pas un trigger warning comme pour un accident. D’ailleurs, à partir de quel niveau d’accident doit-on l’annoncer ? Et si c’est juste un tout petit bout de l’histoire, avec peu d’incidence sur le récit ? Voilà. Tout le monde n’est pas content, parce qu’il nous arrive de nous tromper. Et quand on ne se trompe pas, certain·es estiment que le trigger warning est trop compliqué à trouver. Parce qu’il est à la fin de la description, parce qu’il n’est pas annoncé clairement dans l’audio. Mais souvenez-vous : quand c’est le cas, c’est du spoil. Et personne n’aime être spoilé.

C’est ça, aujourd’hui, notre position sur les trigger warnings. Une forme hybride, un entre-deux. Une solution que l’on veut élégante et pratique, pour contenter tout le monde. Trigger warning : on ne peut pas contenter tout le monde. Mais on fait de notre mieux. Promis.


Si vous les avez loupés

Ce mois-ci, dans l’épisode « Que sont-ils devenus ? » (diffusé le 5 mai), nous avons reçu Arianaïs, de l’épisode « L’enfant du bout du monde », diffusé en avril 2018. Cet épisode devenu culte valait bien de prendre des nouvelles ! Arianaïs racontait son amour de vacances avec Andrès en Équateur, en 2011, et comment, ensemble, ils ont eu un petit garçon, Gaspard. Mais la vie d’Arianaïs bascule quand son ex kidnappe son fils et qu’elle se retrouve aux prises avec la justice équatorienne… et de sa corruption. Qu’est-il arrivé depuis 2018 ? Elle raconte tout dans cet épisode inédit de Transfert Club

Depuis janvier 2025, on essaie un nouveau format. Une fois par mois, un récit est raconté de deux façons différentes, dans deux épisodes distincts, par les protagonistes d’une histoire. Le 17 avril, Margot et Sophie sont venues nous raconter leur histoire d’amour… avec le même homme. Femme officielle et femme officieuse croisent leurs souvenirs dans deux épisodes très forts : « Le plus important, c’est de gagner » et « Le pari de l’incertitude ».


Épisodes à venir

Parfois, il y a un épisode comme ça. Qui pour moi, pour nous – et j’espère pour vous – sort du lot. Un épisode qui, on le sait déjà, nous marquera longtemps. Dans « Un monde qui s’effondre », Henri nous raconte la vie avec Hélène, mais aussi l’amour comme seul fil entre deux mondes : celui des vivants et celui de ceux qui s’en éloignent peu à peu. Un émouvant témoignage recueilli par Lola Collombat, à découvrir le 29 mai.

On pourrait croire que dans Transfert, on a abordé tous les thèmes, sous tous les angles. C’est ça qui est formidable avec ce podcast : il y aura toujours mille façons de raconter une histoire. Dans « Poser les bonnes questions », Mégane raconte à Astrid Verdun comment ChatGPT a levé le voile sur son passé. C’est une histoire de technologie, d’allié insoupçonné, de souvenirs et de thérapie, qui sera diffusée dès le 12 juin.


La reco (de Benjamin)

The Studio : série en dix épisodes à voir sur Apple TV+.

C’est la petite surprise du printemps. Qui ne devrait pas en être une, mais comme il s’agit d’une série diffusée sur Apple TV+, autant vous dire qu’elle risque surtout de passer inaperçue. Sauf que. Ce que la plateforme ne met pas dans le marketing, elle semble l’investir dans la qualité de ses programmes (Severance, anyone?).

Créée par Seth Rogen et son coscénariste de toujours Evan Goldberg, The Studio suit les aventures de Matt Remick (Seth Rogen), promu directeur de Continental Studios, une société de production de films. Il devra alors jongler entre ses envies de cinéphile et les obligations financières d’une entreprise en proie aux évolutions d’Hollywood.

The Studio, c’est de toute évidence l’œuvre que Seth Rogen rêve de faire depuis des années. Ça se sent dans chaque plan, dans chaque ligne de dialogue, dans chaque détail. C’est ce qui m’a frappé dans le premier épisode, au milieu de la réalisation un poil nerveuse : comment la musique répond aux dialogues. Bien sûr, elle a été composée après. Mais ça veut dire que les répliques, elles, ont été écrites avec du jazz en tête. Des ruptures de rythme. Des envolées. Des redescentes. Des solos qui se terminent en explosion collégiale. Une tension permanente, quelle sera la prochaine note ? On flirte parfois avec la dissonance, comme si le beau se cachait au creux des fausses notes. Mais à la fin, ça tombe toujours juste. On n’oublie pas ses harmonies.

The Studio est une petite bombe satirique, du genre qu’on aurait voulu écrire nous-mêmes. Rendez-vous donc en 2028 pour The Podcast Studio avec Sarah Koskievic. En plus, je suis sûr qu’elle imite très bien le rire de Seth Rogen.

Le petit plus de Sarah


Autant le dire tout de suite : Benjamin m’a prévenue très vite que sa reco serait sur The Studio. En sous-titre : « Mate la série pour avoir quelque chose à en dire. » Sauf que, écoutez, la vie étant ce qu’elle est, j’aime bien pleurer seule chez moi et à la place j’ai entrepris un rewatch de This Is Us (c’est mon Transfert à moi, quoi). Je serai libre dans 106 petits épisodes.


Le mot de la fin

N’hésitez pas à investir le Discord de Transfert ! C’est encore un peu balbutiant, et aussi très libre : c’est un espace qu’on veut avant tout pour vous, pour toutes vos discussions autour du podcast. On a hâte de vous y lire (et de vous y répondre).

À très vite, sur Discord ou ailleurs,

Sarah et Benjamin

Transfert

Par Slate France